À la veille de la destruction de la maison de mes grands-parents en vue d’un projet d’urbanisme, j’ai tenté de rassembler autant de souvenirs que possible pour en apprendre davantage sur eux. Les photographies qui sont à l’origine de cette série sont des documents familiaux, portraits, photos de vacances pris dans les années 50, que j’ai retrouvés sous la forme de négatifs.
Je me suis alors penché sur chacun d’eux. Par dépit, frustration, et peur de perdre ces traces de vie que mes grands-parents n’avaient jamais partagées avec moi, j’ai commencé à intervenir sur ces photos.
Progressivement, j’ai recouvert, camouflé les visages et les corps des personnes présentes sur les photos, jusqu’à une totale disparition. Paradoxalement, l’intervention numérique que j’ai effectuée sur ces photos, la dissimulation de ces personnes, a été un moyen d’inscrire ces portraits dans ma mémoire.
Il s’agit pour moi d’un enterrement symbolique. Il ne reste au spectateur qu’à être attentif pour déceler des silhouettes fantomatiques, je serai le dernier dépositaire des compositions originelles.
Chaque image est accompagnée d’un cartel où figurent des noms fictifs correspondant au nombre de personnes qui figuraient à l’origine sur la photo. Des dates fictives sont mentionnées et correspondent à l’époque des prises de vue, proposant une histoire à récréer de toutes pièces.
La notion de trace ne peut exister sans celle d’absence. C’est cette trace (au travers de l’absence) qui m’intéresse, quels résidus, physiques ou «moraux» l’homme laisse t-il derrière lui ? De quelle manière cette trace conditionne t-elle la suite ? La trace découle forcement d’une action, d’un événement ou d’une présence. C’est ce que je m’attache à rendre. Le médium photographique est le plus représentatif de cette marque. Il est l’illustration presque parfaite du « ça a été ».